À ses débuts, Aurélie Escalle s'est intéressée à l'objet du quotidien à travers le recouvrement. Il s'agissait de recouvrir totalement un objet par une autre matière, comme l’a fait en 1936 Meret Oppenheim avec son Déjeuner en fourrure. Le recouvrement, y compris à l'aide d'objets, implique des éléments et un geste qui se répètent, repetition devenant chez elle quasi obsessionnel, tel un rituel. Elle exclut les objets nobles, le sens de l’œuvre étant fonction de l'utilité courante de l'objet. Elle réalise notamment une série à l'aide d'objets se portant à la bouche, comme les cuillères ou encore les brosses à dents, l'amenant ensuite à travailler à partir de médicaments. Ces réflexions sur le recouvrement comme un processus lent, venant camoufler et protéger l'objet initial, voire le métamorphosant, amène Aurélie Escalle à s'interroger sur les formes d’hybridation. Elle s'intéresse désormais d'avantage à la relation de l’œuvre avec l'espace, réalisant des installations et des sculptures d’assemblage. Ses volumes se divisent en deux categories. Dans la première, ils sont réalisés à partir de restes organiques – les os principalement, mais aussi les cheveux, les coquilles ou épluchures d'oignons) –, et suggèrent des formes ou des objets fabriqués. Ces éléments assemblés créent des compositions qui évoquent des formes étranges, comme des objets archéologiques factices, des squelettes d'animaux inconnus, des structures de plantes, ou des objets d'ornement. Dans ses travaux, l'os n'est pas employé pour sa symbolique le liant à la mort. Au contraire, il s'agit pour Aurélie Escalle d'un symbole de force et de fermeté, d'un objet qui perdure après la vie s'opposant ainsi à la chair éphémère. Je « soude les os entre-eux, à la manière d'un cartilage chez les êtres vivants », explique l’étudiante. Cette association des deux matériaux est intéressante pour elle car ils s'opposent. L'os est naturel, opaque, asséché et appartient au passé, alors que la colle est un matériau chimique à l'aspect mouillé et translucide. De plus, Aurélie Escalle lui accorde une place de plus en plus importante : « De liant, elle est passée à matière », dit-elle. En effet, celle-ci devient de plus en plus visible comme un résidu de chair sur les os, et permet aussi de faire tenir la sculpture en équilibre, lorsque les coulures aménagent un support. La deuxième catégorie de sculptures, au contraire, concerne le travail à partir de matériaux ordinaires tel que la colle, le tissu, ou encore le verre, pour suggérer des éléments organiques (comme la peau, le sang, les organes ou le cartilage). Aurélie Escalle réalise notamment en 2013 une pièce composée de draps de récupération blancs, noués entre-eux puis fixés à l'aide de colle, inspirée de S'évader de Laurence Nicolas. L'étudiante envisage le drap comme une deuxième peau enveloppant le corps des dormeurs et les protégeant dans leur sommeil. La matière au départ souple et légère, une fois nouée et serrée, devient très rigide. Dans d’autres travaux, Aurélie Escalle suggère les intestins ou les entrailles d'un corps à partir de la reunion de bras de poupons en matière plastique, entre morbidité et fascination.


Cléo Morel

Aurélie Escalle