Le médium privilégié de Manon Chauvin est le dessin au crayon à papier, qu’elle tente d’explorer au maximum. Ses recherches artistiques s’articulent autour de la notion d’espace, à travers la réalisation de dessins épurés jouant sur la géométrie et les règles de la perspective. Le dessin lui permet de retranscrire sur papier des espaces, qu’ils soient réels ou imaginaires. En effet, on rencontre chez l’étudiante une recherche sur les lieux, découlant souvent de lectures. Elle s’appuie notamment sur des descriptions que l’on trouve dans les romans ou encore sur les didascalies de pièces de théâtre. En ce qui concerne les lieux réels, son intérêt se porte notamment sur l’espace urbain, et plus précisément sur l’habitat au sein des quartiers résidentiels, qu’ils soient collectifs ou individuels. C’est la question des volumes et de leur représentation qui prime, l’étudiante les perturbant grâce aux jeux d’échelle, d’ombre et de lumière. Manon Chauvin joue également avec les différentes règles de la perspective en commettant volontairement de légères erreurs, presque imperceptibles à l’œil nu, qui agissent sur le spectateur de manière à le troubler quelque peu, sans qu’il ne comprenne pourquoi. Sa réflexion se porte également sur des espaces mentaux, plus proche de la science fiction. Elle réalise des dessins de plate- formes et de trous, souvent apparentés à des trou-noirs, toujours décontextualisés et perdus au centre de la feuille. En effet, elle s’interroge sur la représentation de l’invisible ou plutôt de l’irreprésentable, tel que le trou, mais est aussi fascinée par les questions d’espace-temps qu’entraîne la notion de trou-noir. Les espaces qu’elle représente n’ont pas de caractéristique temporelle. Ces lieux semblent inaccessibles, mais l’on retrouve parfois un personnage semblant perdu. Ces lieux existent-ils ou non, font-ils référence à une dimension parallèle ? Quoiqu’il en soit, Manon Chauvin laisse libre au spectateur de s’imaginer l’histoire de ces espaces, évoquant la tranquillité d’un lieu avant la tempête, ou encore la sérénité d’un espace après son effervescence. L’existence d’un lieu par les légendes et mythes qui lui sont associés a également été une des pistes de recherches de l’étudiante, notamment dans Le lac du, réalisé en 2012. Ce dessin est une représentation du lac du Loch Ness en Écosse. à première vue, il pourrait s’agir d’un paysage comme un autre, mais il s’agit alors d’un lieu extra-ordinaire connu du public essentiellement par la légende qui lui est attachée, celle du monstre marin. Cette légende prend une place si importante qu’elle a modifié notre représentation collective du lieu. Avant chaque création, Manon Chauvin réalise une véritable enquête sur le site. Elle se documente sur le lieu ou sur un phénomène, en se rendant sur place quand c’est possible, et en rassemblant des éléments (cartographies, photographies, textes et vidéos). Pour elle, il est également important que ses recherches préalables soient accessibles, les éléments d’enquête qu’elle glisse dans l’accrochage étant un moyen de guider le spectateur, de l’informer sur ses œuvres finales que sont les dessins. L’étudiante a réalisé plusieurs éditions au cours de ses dernières années, et si l’image prévalait et était exclusive, Manon Chauvin tente désormais de mêler le texte à ses dessins, afin de les enrichir.
Cléo Morel