La question de l’identité, traitée à travers le portrait et l’autoportrait, caractérise la démarche de Colin G., nouveau diplômé du DNSEP de l’école supérieure des beaux arts de Nîmes. Dans l’ensemble on fait aller, l’étudiant donne à voir des écrans d’ordinateurs photographiés dans des intérieurs. Sur chacun d’eux, on voit la photo de lui-même qu’il a envoyée à des connaissances distantes, destinataires du selfie. Ici, Colin G. joue sur deux tableaux, la réalisation relevant à la fois de l’autoportrait et du portrait, le décor d’arrière plan dévoilant un peu de l’intimité des personnes sollicitées. Cette idée d’autoportrait indirect est aussi présente dans l’installation 36³, constituée de 36 cubes de 10 cm de côté contenant chacun un objet personnel d’un ami du jeune artiste. Ces cubes sont disposés au sol selon un arrangement ordonné selon la proximité et les affinités entre les personnes qu’ils symbolisent et l’étudiant. Le cube représentant Colin G. était placé au milieu de la composition, le situant par là même comme figure centrale. Selon le jeune artiste, ces cubes représentent une sorte d’instantané de l’intime et de la vie matérielle ordinaire de notre époque, à destination des archéologues des temps futurs. Sur un plan légèrement différent, on retrouve ce concept dans Profil culturel 1993-2014, qui présente à la manière de strates géologiques des publications relatives à l’art parues entre 1993 et 2014. Présenté aux Archives départementales de Nîmes, cet archivage de la littérature culturelle d’une époque récente n’est pourtant pas destiné à la consultation. Toutefois, le point le plus important de la démarche de Colin G. est relatif à sa propre représentation, ou plutôt aux échecs qui lui sont liés. Ainsi entreprend-il un moulage de lui-même à partir de bandes plâtrées et de gomme laque, en vain... ou presque. L’échec de cette tentative nous offre pourtant deux œuvres singulières et originales, qui sont en quelque sorte les négatifs d’un projet initial inabouti. L’un, Exuvie, procède de l’empilement vertical des moules des parties de son corps, l’autre, Linge de corps, est constitué par le pliage de ces mêmes moules à la façon de vêtements rangés. Ce geste est, aux dires de Colin G., comme un renoncement à se représenter, un abandon de ses essais d’autoportraits tridimensionnels. Cette idée d’échec comme motif de l’œuvre est aussi présent dans le film réalisé par le jeune artiste, qui est le récit d’une réalisation filmique avortée. Ici comme dans beaucoup d’autres travaux, l’absurdité, et l’ironie face à ses propres ratés, sont des mises à distance de lui-même. En un retournement, l’échec devient la matière même du projet artistique. Ainsi, entre narcissisme et désubjectivisation, Colin G. nous parle de quête et de perte d’identité.
Nicolas Sayous